Le 1er janvier 2019 marque un changement profond dans le système d’imposition français. En effet, le pays applique désormais le prélèvement à la source des impôts sur le revenu. Même s’il simplifie le mode de ponction, il pose néanmoins un certain nombres de problèmes et rend l’impôt plus opaque. Alors…
LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DES IMPÔTS, COMMENT ÇA MARCHE ?
La France est l’un des derniers pays au monde qui n’utilisait pas le système dit « du prélèvement à la source des impôts » (ou P.A.S.). Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Quasiment tous les gouvernements qui se sont succédés de 1973 avec Valery Giscard d’Estaing (alors ministre des finances) à Jean-Marc Ayrault (ministre de François Hollande), en passant par Michel Rocard et le gouvernement Villepin, ont tenté de le mettre en application. Sans succès ! Mais voilà, c’est aujourd’hui chose faite. Après trois années de négociations et de préparations, le prélèvement à la source des impôts sur le revenu vient frapper à nos portes.
Le prélèvement à la source des impôts, qu’est-ce que c’est ?
En soi le système est très simple. Plutôt que d’être payé « en bloc » à la fin de l’année, l’impôt sur le revenu sera désormais directement prélevé chaque mois sur le revenu des contribuables qu’ils soient salariés, bénéficiaires d’une pension de retraite, indépendants, rentiers, chômeurs,etc.
Dans l’absolu, le prélèvement à la source des impôts devrait permettre de « lisser » le paiement de cet impôt et permettre de le ré-ajuster immédiatement en cas de changement de situation. De plus, son objectif est d’éviter le décalage d’un an entre la perception de l’impôt et le revenu dont il est issu. Décalage qui peut être une véritable source de problèmes financiers lorsqu’il y a un changement important de situation (perte d’emploi, baisse du salaire, etc).
La déclaration de revenu
C’est la déclaration de revenu qui servira de point central au nouveau système du prélèvement à la source des impôts. Elle sera donc envoyé, comme c’était le cas jusqu’à présent, à chaque contribuable. En fonction des revenus déclarés, un taux de prélèvement sera indiqué. C’est ce taux qui sera ensuite appliqué directement sur vos revenus.
Cependant, aucune démarche ne sera à effectuer. C’est l’administration fiscale qui se chargera de fournir ce taux à l’organisme payeur concerné.
Et en cas de changement de situation ?
Si votre situation personnelle change et entraîne des conséquences sur vos revenus, il suffira d’en faire immédiatement la déclaration auprès des services fiscaux. Le prélèvement à la source des impôts sera donc modifié en conséquence.
L’actualisation pourra être réalisée par différents moyens :
– L’espace personnel sur impots.gouv.fr via le menu « Gérer mon prélèvement à la source ».
– Par téléphone au 08 09 40 14 01 (numéro non surtaxé).
– Ou en se rapprochant de votre centre des finances publiques.
L’administration fiscale calculera alors le nouveau taux de prélèvement qui sera alors transmis à l’organisme payeur. Normalement, ce nouveau taux sera alors appliqué sur le mois suivant la déclaration. Dans le pire des cas, sur le mois d’après.
Un taux de prélèvement mais trois options
Jusque là, tout paraît simple. Puis arrive le taux de prélèvement. En fait trois taux sont possibles pour le prélèvement à la source des impôts :
– Le taux du foyer ou taux personnalisé. Il tiens compte des revenus du foyer, de la situation des contribuables et des charges de famille. Si vous êtes célibataire, c’est ce taux qui sera pris en compte.
– Le taux individualisé. S’il existe une trop grande disparité entre les revenus d’un couple, les conjoints peuvent opter pour un taux individualisé pour chacun. Le montant total sera exactement le même que pour le taux du foyer mais reparti différemment entre les conjoints en fonction de leur revenu respectif.
– Le taux de prélèvement « non personnalisé ». Les salariés peuvent choisir de ne pas divulguer leur taux réel d’imposition auprès de leur employeur. Pour cela, il passe donc par ce taux « non personnalisé ». Il correspond au taux d’un célibataire sans enfant. Ce sera ensuite au contribuable de verser à l’administration fiscale la différence entre son taux personnalisé et son taux non personnalisé. Bref un vrai casse-tête !
Les différentes situations pour le prélèvement à la source des impôts
A partir du taux de prélèvement, l’impôt sera donc collecté directement sur le revenu du contribuable… mais pas directement par l’administration fiscale !
Pour les non imposables
Là le cas est très simple. Si vous êtes non imposable, le taux de prélèvement sera donc égal à 0. Aucun prélèvement ne sera effectué sur vos revenus ou indemnités, quelles qu’elles soient.
Pour les imposables
Si vous êtes salariés, l’impôt sera prélevé par votre employeur. Il sera donc directement déduit de votre salaire net.
Pour les retraités, l’impôt sera prélevé par la caisse de retraite. Dans ce cas il sera déduit de votre pension de retraite.
Pour les demandeurs d’emploi, l’impôt sera prélevé directement par Pole Emploi. Il sera alors soustrait sur vos indemnités.
Pour les indépendants, l’impôt est prélevé tous les mois ou tous les trimestres directement sur votre compte bancaire par l’administration fiscale. Mieux vaudra alors conserver une réserve pour pouvoir le régler, ou le prévoir dans votre budget et notamment dans les dépenses fixes obligatoires.
Les revenus fonciers
Comme pour les indépendants, dans le cas ou vous toucheriez des revenus fonciers, l’impôt sera alors directement prélevé sur votre compte bancaire tous les mois ou tous les trimestres par l’administration fiscale.
Pour les revenus variables ou les changements de situation
En cas de changement de situation (mariage, naissance, baisse ou hausse des revenus…) le contribuable devra demander une mise à jour auprès de l’administration fiscale via son espace personnel sur impots.gouv.fr .
De la même façon, pour tous ceux dont les revenus peuvent varier sensiblement d’un mois sur l’autre (intérimaire, indépendant, intermittent du spectacle, etc.), se sera au contribuable de signaler les variations sensibles de ses revenus. Surtout si le contribuable à opté pour un taux non personnalisé. En d’autres termes le prélèvement à la source des impôts dans la version française (car dans les autres pays, ça ne se passe pas vraiment comme ça) va devenir un véritable casse tête pour savoir à quel moment il est nécessaire de déclarer les changements de niveau de revenus, à partir de quel montant, etc !
Les conséquences
Même si, sur le principe, le prélèvement à la source des impôts va permettre un lissage et une simplification des situations liées aux impôts sur le revenu, dans les faits ce changement n’est pas sans quelques conséquences.
La première, et la plus importante, c’est que votre salaire va se réduire d’un coup ! Et plus votre impôt sera important, plus la transition sera rude. Car oui, en fonction de votre taux d’imposition c’est donc bien 100, 200, 300 € – voire plus – qui seront donc directement déduit de votre salaire net chaque mois ! Un choc que risque de ne pas apprécier certains.
Une raison suffisante pour mettre en place, une gestion du budget personnelle plus stricte. Et surtout économiser de façon efficace.
La seconde conséquence c’est que chaque contribuable va être responsable de vérifier le trop perçu ou le moins perçu. Si le contribuable a été trop prélevé et bien c’est tant pis pour lui s’il ne s’en rend pas compte. Il devra attendre la déclaration de revenu suivante pour se voir rembourser ! S’il n’a pas versé assez, c’est aussi à lui de se signaler au risque d’une pénalité. En d’autres termes, on demande à chacun de jouer le rôle de vérificateur qu’avait jusqu’à alors l’administration fiscale.
Les problèmes
L’une des (nombreuses) critiques qui est faite à ce nouveau système provient essentiellement de la particularité bien française de la mise en œuvre de ce PAS (pour Prélèvement À la Source des impôts sur le revenu). Contrairement à ce qui est annoncé, il y aura, jusqu’en 2020, un décalage entre le taux appliqué et la réalité des revenus de chacun. En effet, en 2019 se sont encore les revenus 2017 qui sont prix en compte. Un premier ajustement arrivera en mai 2019, puisque chaque contribuable effectuera sa déclaration de revenu 2018. Enfin, c’est seulement au 1er septembre 2019 qu’un nouveau taux sera calculé… mais là encore correspondant seulement à l’année 2018 !C’est donc seulement en 2020 que le système devrait être suffisamment ajusté pour prendre en compte les revenus « immédiats ».
Le deuxième problème c’est que l’on demande désormais à un tiers de prélever, au nom de l’état la totalité de l’impôt du contribuable à la place de l’administration fiscale, tout en rendant responsable les contribuables eux-même de la vérification de la justesse des taux appliqués. Une façon pour l’État de se dédouaner des erreurs commises.
Un troisième problème est celui des informations fournis aux organismes collecteurs (Employeur, caisse de retraite, Pole Emploi, etc). De par le système, ils auront désormais accès à votre taux de prélèvement, qui, contrairement à ce qui est annoncé permet bien de déterminer le montant global de vos revenus ! Cependant, il est possible d’opter pour le taux non personnalisé. Mais au vue de l’obligation de verser par vous même la différence auprès de l’administration fiscale, le système rend cette option difficile à appliquer !
In fine
En lisant ces lignes, on se rend compte que, ce qui est présenté au départ comme une simplification des procédures, n’est en fait qu’une (nouvelle) vaste usine à gaz avec toujours un décalage entre ce qui est perçu et vos revenus réels, l’entrée d’un tiers collecteur qui se substitue à l’administration fiscale, et un « respect » des informations personnelles… pas si respectueux que ça. Ces choix sont d’autant plus étonnant qu’il aurait suffit de généraliser le système de prélèvement mensuel (déjà utilisé par plus de 70 % de français) pour éviter la plupart de ses écueils.
Pour ma part, je vois dans le système du prélèvement à la source des impôts un élément de plus au sein de la grande tendance de réduire les possibilités d’actions des citoyens eux-mêmes.
Effectivement, depuis plusieurs années, on voit la mise en place de systèmes où la possibilités qu’elles soient de choix ou d’actions possibles se réduit au profit d’automatisation ou chacun n’est plus maître de lui ou de son environnement. Qu’on les appelle Linky, P.A.S., radars routiers, ou encore TAFTA (dans un autre domaine) le résultat est le même : le citoyen lambda n’a plus la main sur quoi que se soit.
Or dans la période actuelle ou le seul moyen pour ce citoyen de faire entendre sa voie auprès d’un pouvoir politique de plus en plus sourd, est de faire parfois acte de désobéissance civile, ces systèmes ne laissent plus le choix ; que vous le vouliez ou non, que vous l’acceptiez ou pas les choses se feront… avec ou sans votre consentement. Mais ce n’est que mon point de vue et vous n’êtes pas obligé de me croire !